Avec la série "SOLO", Arthy Mad interroge l'individu confronté à sa propre solitude
ARTHY Mad ne se considère pas comme photographe, mais comme plasticien utilisant l’image. Ses tableaux photographiques tentent de présenter le monde de façon ouverte, poétique et décalée.
Comment définis-tu ton style? Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Je ne photographie pas ce que je vois. Je mets en scène ce que je suis, ce que je ressens, la façon dont j’appréhende le monde, les rapports humains, et l’imagine en tableaux photographiques, installations et performances. C’est pour cela que je me définis d’abord comme plasticien, puis comme photographe, la photographie étant à ce jour le meilleur médium que j’ai trouvé pour restituer mon travail. Je parle alors « d’installations photographiques poétiques et décalées »
Souvent les artistes racontent que, très jeunes, ils dessinaient déjà. Je pense que c’est la même chose pour toi, mais quel a été ton parcours par la suite ?
Je viens d’un milieu familial très chaleureux. Beaucoup d’Amour mais peu d’ouverture vers l’Art. Je considère avoir eu 2 vies. Une première dans laquelle j’ai évolué en entreprises et organisations. Je réussissais mais ne m’y suis jamais vraiment senti à ma place. J’éprouvais même un sentiment d’imposture. Ma deuxième vie, entamée en 2009, dans laquelle la création artistique, pratiquée jusqu’alors en amateur, est devenue mon activité principale. Je m’y sens vraiment heureux et à ma place. Dès 2014, l’image photographique devient mon médium privilégié. A elle seule, elle allie mes pratiques antérieures, le dessin, les arts plastiques, le théâtre, la mise en scène et l’image. Je m’y forme assidûment depuis cette date. La réification du corps dans la presse, la mode, la publicité et dans certaines pratiques photographiques, me dérange. J’en fais mon premier thème de travail. Mes 2 premiers projets, « Mon Corps a une Histoire » (2014) et « Contours » (2015/2016), vont dans ce sens. 64 femmes et hommes de morphologies et d’âges différents y collaborent. C’est ma façon de militer pour un corps démocratique dans lequel chacune et chacun puisse se retrouver, s’identifier, loin des diktats réducteurs imposés par notre société. Début 2017, la nudité cède la place à : « l’installation photographique poétique et décalée » (mais n’y suis-je pas encore plus nu?). La série « SOLO » en est la dernière illustration. Elle interroge l’individu confronté à sa propre solitude, et, d’une manière plus générale, à la notion d’absence/présence. Une incitation à l’introspection : et si la solitude était la plus belle conquête sur soi-même ? La solitude – grâce ou malédiction ? Plus j’avance dans cette série, plus je prends conscience qu’elle parle d’Amour – Amour de soi, Amour de l’autre.
Exposer c’est se mettre en danger, se livrer au regard des autres. Comment prépares-tu une exposition, une sélection de tes travaux anciens ou des oeuvres nouvelles ?
Personnellement, exposer n’est pas une mise en danger. C’est tout le contraire, c’est une invitation au partage, un acte de générosité. Il faut juste un certain courage aujourd’hui, pour amener les gens à la poésie. A chacun sa façon de voir la vie. La mienne est résolument positive, créative et humaniste. J’ai envie de présenter le monde de façon ouverte. D’une manière poétique et décalée, j’ai envie d’inviter à rêver, à voyager, et de laisser toute la place à l’imaginaire. J’aime préparer mes expositions avec ce qui m’habite dans le présent. C’est pourquoi les « oeuvres » nouvelles me semblent plus appropriées. Si l’exposition impose un thème précis que j’ai déjà exploré, alors bien évidemment, je sélectionne des travaux antérieurs en rapport avec le thème demandé. A condition qu’elle soit prévue à une date suffisamment lointaine, une exposition peut également être une opportunité pour développer un nouveau projet.
Solid’Art permet de collecter des fonds pour offrir des vacances à des enfants. As-tu un souvenir de vacances qui t’a profondément marqué étant enfant ?
Ah oui. Ma famille avait surtout une culture mer. Mon père étant instituteur et ma mère ne travaillant pas quand nous étions enfants, les vacances étaient assez conséquentes. La Normandie, proche et accessible facilement en 2cv ou Ami 8, était notre destination favorite. Je me souviens de mes vacances à Chanteloup, petit village proche de Granville, dans lequel j’ai passé une bonne partie de mes vacances d’été et de Pâques, pendant de nombreuses anées.
Selon toi l’Art a-t-il une place importante dans notre société ?
L’Art, à mon sens, invite à voyager, à s’évader. Il offre l’occasion de sortir, l’espace d’un moment, d’une logique de productivité, de vitesse, de rentabilité très présente dans nos sociétés. Il invite à la poésie. Le rendre visible, accessible à toutes et à tous, favoriser la créativité artistique dès le plus jeune âge me semble essentiel. Dans ces conditions, sa place deviendra de plus en plus importante dans notre société. Même s’il y a encore beaucoup à faire, la voie me semble bien engagée.
La Gazette de Lille - SOLID'ART 2018 - Edition Mai 2018